Dominique Braun, aubergiste et maire (1744-1794)

guillotiné sous la Terreur le 12 nivo 02 à Colmar

Le 11 novembre 2005, la municipalité et le conseil de  fabrique ont inauguré le square Dominique Braun, sis rue de la Lauch. Le parc est propriété du conseil de fabrique. Dominique Braun, dont le destin fut tragique, a connu un ardent défenseur en la personne de l'abbé Eugène Freytag.
Mais voyons plus avant...
Dominique Braun est né le 21 août 1744 à Wintzfelden. Il épousa Gertrude Runner (baptisée à Pfaffenheim le 17 mars 1742) à Pfaffenheim le 12 novembre 1768. Le couple s'installa à Pfaffenheim où Dominique Braun était aubergiste à l'enseigne "A la Croix Blanche". Il fut maire du village au début de la Révolution. Son épouse donna naissance à cinq enfants, dont un seul vécut. Elle décéda le 8 mai 1791 à l'âge de 49 ans. Dominique Braun épousa en secondes noces Anne-Marie Hoffmann, de Rouffach, le 18 janvier 1792 à Rouffach. Le couple résidait à Pfaffenheim. Deux enfants naquirent de cette union : Jean Georges en 1792 et François Joseph en 1793.

L'affaire

Dans la nuit du 3 novembre 1793, lors d'un attroupement menaçant devant la maison de M. Kueny, maire en exercice, un coup de feu a été tiré. Braun fut accusé d'en être l'auteur. Le lendemain, il fut arrêté et emmené à Colmar pour y être jugé. On retint aussi à sa charge le recel d'un prêtre non jureur..

Procès-verbal de son procès

Son arrestation

Procès-verbal établi le 19 Brumaire de l'an II de la République (4 novembre 1793)
"Vu par le tribunal criminel, le procès-verbal dressé par la Municipalité de Pfaffenheim le 4 Novembre 1793 et l'information faite ce jourd'hui par le tribunal. Considérant qu'il résulte de ladite information que le coup de feu lâché le 3 Novembre sur le citoyen Kueny, Maire de Pfaffenheim est le résultat d'un rassemblement contre révolutionnaire qui s'est tenu chez Dominique Braun aussi de Pfaffenheim - que ce dernier était un des principaux chefs du complot qui s'est formé pour détruire les patriotes et qu'en outre ledit 'Braun est un des auteurs du coup de feu lâché sur ledit Kueny reconnu pour être un bon patriote.
Le tribunal jugeant révolutionnairement et faisant droit sur les réquisitoires de l'accusateur public, déclare Dominique Braun aristocrate et hors la loi, ce faisant : ordonne qu'il sera pris et appréhendé au corps pour être dans la maison de justice du tribunal et ensuite entendu sur les faits à lui imputés; ordonne en outre qu'après le délai de huitaine, l'accusé ne comparaissant pas, ses biens seront saisis et annotés."

Sa condamnation

Conclusion du procès-verbal établi le Jour du jugement de Dominique Braun le 12 Nivôse de l'an II de la République (1er janvier 1794)
"Vu par le Tribunal Révolutionnaire le jugement ci-dessus et les autres parties.
Vu aussi le procès verbal d'arrestation de la Personne de l'Accusé.
Ouï:
ce dernier étant à la barre
les témoins, tant à charge qu'à décharge
l'Accusateur Public en ses réquisitions.
Considérant qu'il en résulte des dépositions des témoins que le coup de feu lâché le 3 Novembre dernier sur le citoyen Kueny, Maire de Pfaffenheim est le résultat d'un rassemblement contre révolutionnaire tenu le jour même chez l'accusé, mais que ce dernier est convaincu d'avoir été à la tête du complot, formé pour détruire les patriotes et d'avoir lâché ledit coup de feu sur Kueny.
Le Tribunal Révolutionnaire condamne Dominique Braun à la peine de mort. Déclare ses biens acquis et confisqués au profit de la République ; et ordonne que le présent jugement sera exécuté dans le jour à la diligence de l'Accusateur Public.
Imprimé et affiché partout où besoin sera."


Son exécution
Relaté par les huissiers :

"Aujourd'hui, treizième jour du mois de Nivôse, l'an second de la République Française Une et Indivisible, à neuf heures du matin, par devant moi, André Birckel, sont comparus en la Maison Commune, Philippe Laurent Haffner, âgé de quarante six, ans et Charles Louis Fuchs âgé de cinquante quatre ans, les deux Citoyens Huissiers au Tribunal Criminel et Révolutionnaire du Département du Haut Rhin, domiciliés en cette Municipalité, lesquels Philippe Laurent Haffner et Charles Louis Fuchs, ont  déclaré à moi André Birckel que le jour d'hier à quatre heures après midi est mort sur la Place Publique des Exécutions, Dominique Braun, Citoyen Aubergiste de quarante six ans (en réalité 49 ans), de laquelle déclaration j'ai dressé le présent acte... "
Et par le Curé Clotten : son acte de décès, mentionné dans le registre paroissial de Pfaffenheim sous le n°186 en page 88, a été retrouvé à... Soultzmatt ! Ce transfert est peut-être dû au fait que le curé Jean-Baptiste Clotten, en fonction à Pfaffenheim pendant la Révolution, a été nommé à Soultzmatt par la suite.
Il mentionne : "Aujourd'hui le vingt sept Vendémiaire de l'an X de la République Française, ou le 19 du mois des Vendanges 1801 j'ai inscrit l'acte de décès suivant :
'le premier Janvier 1794, entre trois et quatre heures du soir à Colmar, sur la Place de la République, Dominique Braun, âgé d'environ 47 ans, habitant de Pfaffenheim a été guillotiné. Il était l'époux en premières noces de la défunte Gertrude Runner et en secondes noces d'Anna Maria Hoffmann encore vivante."

La raison de la mort et de l'exécution par la guillotine provient sans doute en partie, du fait qu'il avait tiré sur le Maire de Pfaffenheim, sans l'avoir pourtant touché, mais surtout le fait que, comme certaines personnes l'affirmèrent, il était un bon aristocrate, le fit condamner immédiatement.
 "II escalada les marches de l'échafaud sanglant avec un tel sens de l'instant présent et une telle joie, qu'on croyait qu'il se rendait à un mariage. Sans doute est-il monté au ciel. Les deux témoins, originaires de Pfaffenheim, qui étaient présents lors du décès, signèrent l'acte, tout comme moi."

Ses biens furent confisqués au profit de la Nation et mis sous séquestre dès le lendemain par François René Jänger, Juge de paix à Eguisheim.
Aujourd'hui encore, le quartier du village situé autour de la fontaine Saint-Michel est appelé par les anciens S'padriotta viartel (le quartier des patriotes). Dominique Braun tenait son auberge sur l'actuelle place de la Mairie (peut-être le restaurant Freudenreich... ou un établissement démoli pour laisser la place à l'actuelle mairie). Kueny aurait pu être le tenancier de l'auberge dont la dénomination,  "Zum Fuchs", "Au Renard", est encore visible.

                                                                                 " Entre Vignoble et Schauenberg"  p140